Laurent et moi avions suivi consciencieusement l’entrainement montagnard programmé du calendrier. Nous étions prêt, il restait à s’adapter au climat régional en ajoutant quelques cols de légende, le Mont-Ventoux par Bédoin, l’Alpes d’Huez, la Croix de Fer et le Galibier pour Laurent. La météo était superbe, tout nous laissait entrevoir une randonnée de rêve.
Le destin en a décidé autrement. Il n’a pas voulu que nous soyons tous les deux au départ. En effet, Laurent n’a pas pu y participer par la faute d’une voiture imprudente qui l’a fait chuter au kilomètre trois de la descente du Galibier, lors de son dernier entrainement. Il était au summum de sa forme. Quelle déception pour lui, il avait ce projet en tête depuis un an et pour moi qui espérait être poussé par lui dans les derniers kilomètres du Galibier…
Je me devais donc de le réaliser pour deux ! Pas le faire deux fois mais de le réussir d’une manière exemplaire !
Dans le camping de Vizille, j’ai fait la connaissance de plusieurs personnes dont des couples qui participaient à l’épreuve en deux jours. Le faisant en une journée, je me sentais un peu seul depuis l’abandon de Laurent. Il y avait Patrick mais je savais qu’il voulait « carburer » dès le départ, ce qui ne me convenait pas. Un matin, le destin m’a joué un autre tour mais positif cette fois. Une personne inattendue est venue me voir, c’était mon ami Dominique Lamouller qui me cherchait dans le camping sachant que j’étais là par un ami commun. Il participait aussi à l’épreuve en une journée et nous avons décidé de partir ensemble.
Le jour « J » à trois heures pile du matin, avec une météo parfaite et une motivation déjà au sommet, nous étions positionnés devant un peloton consistant. J’ai essayé de trouver Patrick mais la nuit était trop sombre pour le voir. Il me doublera certainement pendant la montée du premier col (la Croix de Fer). À trois heures et une minute, nous avons démarré (un peu avant le départ officiel) mais le peloton nous a rapidement rattrapé. Nous sommes restés en tête pendant une trentaine de kilomètres avec un train assez rapide. Juste avant d’attaquer le col de la Croix de Fer, j’ai préféré ralentir légèrement et reprendre le rythme de croisière trouvé pendant les séances d’entrainement montagnardes. Mon ami Dominique (bon grimpeur) m’a lentement distancé mais je l’ai quand même revu quelques secondes au sommet du col. Sur les 25 km d’ascension, la pente variait de 7 à 14 %. Il fallait alterner entre la position assise et la danseuse pour se protéger les reins et éviter la lassitude. Pendant les cinq derniers kilomètres, les marmottes proches de la route nous encourageaient de leur sifflements aigus, et les chercher du regard nous faisait oublier les pourcentages.
Arrivé au col, j’étais encore très frais et je voyais déjà quelques coureurs rebrousser chemin, ceux qui ont mal géré leurs efforts. Un de mes amis a abandonné par manque de préparation alors qu’il venait de faire les 2 derniers Paris-Brest-Paris.
Mon copain Dominique partait déjà pour le prochain col (col du Mollard) mais je l’ai laissé partir. Après m’être bien restauré et profité de la convivialité ambiante, j’attaquais la descente. Assez rapidement, le col du Mollard nous à présentait ces pentes. À peu près à mi-distance du sommet, sans aucun signe préalable, ma chaîne s’est brusquement cassée et j’ai failli perdre l’équilibre pour la rejoindre sur la route. A ce moment-là, on se pose beaucoup de questions, la chute de Laurent et éventuellement mon abandon…les montagnards en dérives…c’est là qu’il faut rester positif, plus ce sera difficile et plus la réussite sera belle !
Ce n’était pas très grave puisque le dérive-chaîne faisait partie des outils indispensables que j’avais toujours dans la sacoche de vélo. Une dizaine de cyclos me demandaient gentiment au passage si j’avais besoin d’un coup de main. Non bien sûr, puisque j’avais le matériel. Je fouillais donc mes sacoches pour le trouver et surprise…pas de dérive-chaîne…(il était tombé de la sacoche au pied de l’escalier du sous-sol, à Ermont)…cette fois j’avais besoin d’une aide, qu’un cyclo sympathique m’a donnée. Il m’a laissé son matériel qu’il récupérera à St-Michel de Maurienne.
J’enlève donc un maillon mais après vérification, je remarque qu’autour de l’axe réparé il y avait une déformation. Je supprime encore un maillon et m’aperçois que le suivant était dans le même état…Après examen de l’outil, je me suis aperçu que celui-ci n’était pas compatible avec cette chaîne. Pendant un instant j’ai eu une pensée à l’abandon au BRA d’Annecy de l’année dernière ou ma tige de selle avait cassée (aucune assistance de l’organisateur). Deux abandons d’affilé ce n’était pas concevable. Il ne me restait qu’une solution, essayer d’atteindre St-Michel de Maurienne avec cette chaîne détériorée et avoir accès à l’assistance mécanique du BRA. Je l’ai encore bricolée un bon moment pour l’aplatir au maximum et augmenter mes chances de réussite.
Je suis donc parti très prudemment et surtout, sans forcer dans les gros pourcentages et ai réussi miraculeusement à atteindre la destination. J’avais déjà perdu beaucoup de temps. Le dépanneur bénévole (un fabriquant de vélo) m’a confirmé que j’avais eu beaucoup de chance d’arriver jusque-là. Il a supprimé un maillon de plus et j’ai enfin pu rendre l’outil à son propriétaire. Même s’il n’était pas adapté à ma chaîne, il m’avait permis d’arriver jusque-là. Le dépanneur m’a conseillé de mettre une « Shimano Ultegra », ce que j’ai fait à peine revenu de vacances.
Je suis donc parti confiant et rassuré. J’aurai été très déçu de ne pouvoir terminer après l’abandon de Laurent. D’une manière prudente et avec une petite crainte en arrière-pensée, j’ai abordé la montée du col du Télégraphe. 7 à 8 % sur une quinzaine de kilomètres, mais bien régulier. Je les ai montés avec un rythme de métronome en admirant ces beaux paysages qui ont meublé toute mon enfance.
Ces rêveries m’ont emmené au pied du dernier col, le légendaire Galibier. Le fait de le monter en fin de parcours ne pouvait qu’accentuer la difficulté. J’ai donc baissé un peu la cadence par prudence, sachant que les huit prochains kilomètres étaient costauds. Après les deux premiers, je commençais à doubler du monde et pourtant, sans accélération. J’avais ainsi la preuve que l’entrainement montagnard n’avait pas été inutile. En effet, j’ai même accéléré dans les trois derniers kilomètres (à partir du point de chute de Laurent) avec le sommet en point de mire. Dans les 500 derniers mètres un cycliste sur trois terminait à pieds. Quel bonheur de vaincre le Galibier dans ces conditions. Les marmottes étaient toujours là à nous encourager.
Je suis bien resté une demi-heure au sommet pour profiter pleinement de l’ambiance et du panorama, sans oublier d’être le photographe pour les autres participants.
La descente du Lautaret et le retour sur Vizille ont été effectués avec la satisfaction du devoir accompli. Je m’en sortais bien malgré les problèmes mécaniques. Cela signifie bien qu’il y a toujours de l’espoir pendant les moments difficiles.
Ma plus grande satisfaction est que sans être un bon grimpeur, j’y suis arrivé avec un entrainement adapté.
Il restait la boucle supplémentaire du super BRA mais malgré ma bonne forme, j’ai préféré y renoncer en fonction de l’état de la chaîne et du pédalier qui commençait lui aussi à craquer. Je suis donc rentré directement et j’ai donc bouclé les 70 derniers kilomètres de descente avec le plateau de 34, la chaîne étant trop courte pour passer le 50 dents. À ce moment-là, mes jambes moulinaient comme un ventilateur…
Dominique m’attendait à l’arrivée. On a pu faire une fête méritée avec nos autres amis du camping, qui nous attendaient avec impatience.
La prochaine édition se fera dans l’autre sens et j’espère bien y participer, avec Laurent bien sûr, un dérive-chaîne et un maximum d’amis même non-grimpeur.
Bravo JJ j’ai lu avec beaucoup d’attention ton récit ; je reste en plus admiratif car même avec de l’entrainement je ne pense pas que j’aurais pu le faire quand j’avais ton âge. A bientôt, amicalement, Jean
Mon seul mérite est d’avoir eu la rigueur de suivre l’entraînement montagnard. Après cela, le BRA devient presque une randonnée normale. Dans ce cas, on peut profiter au maximum de l’ambiance et du spectacle et terminer l’esprit lucide avec une fatigue normale. Je suis sur que tu aurais pu le faire, comme une grande partie des gens du club. Bonne fin de vacances. JJ
Bonsoir Jean-Jacques
J’ai lu avec attention ton périple du BRA c’est assurément une belle aventure qui n’a pas manqué d’imprévu ni de hauteur mais c’est tout ce qui donne sa dimension au cycliste et à sa machine, des souvenirs inoubliables, ces finals, ce que l’on cherche à se fabriquer (pour nos vieux jours peut être ?).
Merci pour la balade de ce matin, c’était bien sympathique
Amicalement Eric .